Aphtes et ulcères buccaux causés par les médicaments : prévention et soins
Les ulcères buccaux causés par les médicaments, c’est plus courant que vous ne le pensez
Vous prenez un traitement contre le cancer, une maladie auto-immune ou même un antibiotique puissant, et soudain, votre bouche devient douloureuse. Des plaies blanches ou rouges apparaissent sur la langue, les gencives ou les joues. Manger, parler, ou même boire de l’eau devient un calvaire. Ce n’est pas une simple irritabilité, c’est de la mucosite buccale - une réaction directe à certains médicaments, surtout la chimiothérapie et la radiothérapie. Selon une revue de l’Institut National de la Santé (NIH) publiée en 2022, entre 20 % et 100 % des patients sous chimiothérapie développent ces lésions, selon le type de traitement. Ce n’est pas un effet secondaire mineur : il augmente les coûts hospitaliers de 1 500 à 17 000 $ par patient, et réduit considérablement la qualité de vie.
La bonne nouvelle ? La plupart de ces ulcères peuvent être évités - ou au moins atténués - si vous agissez avant qu’ils n’apparaissent. La plupart des médecins traitent la douleur après qu’elle est là. Mais les meilleures preuves scientifiques disent clairement : prévenir, c’est gagner. Des protocoles simples, bien appliqués, peuvent réduire la gravité des ulcères de moitié, voire plus.
Les traitements les plus efficaces : ce qui marche vraiment
Il existe des dizaines de produits sur le marché, mais tous ne sont pas égaux. Certains sont largement utilisés… et pourtant peu efficaces. D’autres sont sous-utilisés, pourtant très puissants.
Le benzydamine (sous forme de bain de bouche à 0,15 %) est l’un des rares traitements avec une preuve solide pour la radiothérapie. Une étude publiée dans les lignes directrices MASCC/ISOO en 2020 montre qu’il réduit de 34 % le risque d’ulcères sévères. Il coûte entre 15 et 25 € le flacon, et il faut le rincer 3 à 4 fois par jour, en commençant avant le début du traitement. Attention : il est déconseillé si vous êtes allergique à l’aspirine, car c’est un anti-inflammatoire non stéroïdien. Beaucoup de patients ressentent une légère brûlure au début, mais 82 % continuent parce que la douleur diminue.
La cryothérapie (glace)** est un coup de génie simple et gratuit. Pour les chimiothérapies comme le mélphalan ou le 5-fluorouracile, il suffit de sucer des morceaux de glace pendant 30 minutes, en commençant 5 minutes avant l’infusion. Une revue Cochrane de 2015 a montré que cette méthode réduit de 50 % les ulcères sévères. Des patients sur les forums de soutien rapportent que 78 % trouvent cela « très ou assez utile ». Le hic ? 42 % abandonnent à cause du froid intense. Si vous pouvez le supporter, c’est l’un des meilleurs investissements de votre traitement.
Le paliférmin est un médicament puissant, prescrit aux patients subissant une greffe de cellules souches. Il réduit les ulcères sévères de 63 % à seulement 20 %. Mais il coûte 10 500 € par traitement. Ce n’est pas une option pour tout le monde. Il est réservé aux cas à haut risque, et son utilisation est recommandée par les autorités sanitaires uniquement dans ce contexte spécifique.
Le Gelclair est un gel muco-adhésif qui forme une couche protectrice sur les plaies. Il soulage la douleur pendant jusqu’à 4 heures par application. Sur Reddit, 71 % des utilisateurs disent qu’il apporte un soulagement immédiat. Mais 33 % trouvent la texture « gluante » et gênante pour parler. C’est un bon outil pour la douleur aiguë, pas une solution préventive.
Les traitements à éviter ou à utiliser avec prudence
Vous avez probablement entendu parler de la chlorhexidine. C’est un antiseptique couramment prescrit. Mais les données sont faibles : elle réduit seulement de 15 % le risque d’ulcères, selon la revue NIH de 2022. Et elle peut colorer vos dents en brun avec une utilisation prolongée. Un sondage de 2020 dans Oral Diseases montre que 28 % des patients ont une gêne au goût. Ce n’est pas une mauvaise chose, mais ce n’est pas non plus une solution miracle. Beaucoup de médecins l’ont prescrite par habitude - pas parce qu’elle fonctionne bien.
Le glutamine est un acide aminé que certains patients prennent en poudre, mélangé à de l’eau. Une étude de 2017 a montré une réduction de 43 % de la durée des ulcères. Mais des analyses plus récentes (2022) n’ont trouvé aucun bénéfice pour les patients sous chimiothérapie seule. Il pourrait aider seulement les patients atteints d’un cancer de la tête et du cou sous radiothérapie. Si vous voulez essayer, faites-le sous surveillance médicale. Et ne comptez pas dessus comme solution principale.
Les antibiotiques systémiques ? Ne les prenez pas pour prévenir les ulcères. Une étude publiée dans JAMA Internal Medicine en 2021 a montré qu’ils augmentent le risque d’infection par Clostridium difficile de 27 %. Ce n’est pas une prévention : c’est un risque inutile.
Comment bien prendre soin de votre bouche au quotidien
La prévention ne se limite pas aux médicaments. C’est aussi une routine quotidienne, simple, mais rigoureuse.
- Utilisez une brosse à dents à poils très doux (diamètre ≤ 0,008 pouce). Les brosses pour enfants sont parfaites.
- Brossez-vous les dents 2 à 3 fois par jour avec un dentifrice au fluorure - sans sulfate de lauryl sodium (SLS). Ce composé, présent dans 90 % des dentifrices classiques, irrite les muqueuses. Cherchez les marques étiquetées « sans SLS ».
- Après chaque repas, rincez-vous la bouche avec une solution de bicarbonate de soude : une cuillère à café dans un verre d’eau. Cela neutralise l’acidité, qui aggrave les plaies.
- Évitez les aliments épicés, acides, trop chauds ou croquants. Mangez doucement. Les purées, les soupes, les yaourts sont vos alliés.
- Si vous avez la bouche sèche (xérostomie), ce qui est fréquent après radiothérapie, utilisez des sprays ou gels de salive artificielle comme Biotène. Ou prenez 5 mg de pilocarpine 3 fois par jour : cela augmente la production de salive de 47 %.
Un point crucial : faites-vous examiner les dents 2 à 4 semaines avant de commencer votre traitement. Une carie ou une gencive enflammée peut devenir un foyer d’infection pendant la chimiothérapie. Selon les protocoles de Roswell Park, 78 % des ulcères sévères peuvent être évités avec un suivi dentaire préventif.
Les nouvelles avancées : ce qui vient
La recherche progresse. Un nouveau médicament, le GC4419, un simulateur de superoxyde dismutase, a montré une réduction de 38 % de la durée des ulcères sévères chez les patients atteints d’un cancer de la tête et du cou, dans un essai publié en mars 2024 dans JCO.
La thérapie par laser à faible intensité (LLLT) est aussi en plein essor. Une étude de 2023 dans JAMA Network Open a montré que des séances de laser (650 nm, 40 mW, 2 J/cm²) réduisent les ulcères sévères de 41 % à 18 %. Ce n’est pas encore standard partout, mais de plus en plus d’hôpitaux l’adoptent.
Des outils de prédiction personnalisée voient le jour. À Memorial Sloan Kettering, un algorithme analyse 12 facteurs cliniques (âge, type de cancer, traitement, état dentaire…) pour prédire avec 84 % de précision qui va développer des ulcères sévères. Cela permet d’adapter les préventions à chaque patient - pas à la masse.
Les erreurs à ne pas commettre
Beaucoup de patients pensent que « plus de soins = mieux ». Ce n’est pas vrai.
- Ne pas se brosser les dents par peur de faire mal : c’est une erreur. La plaque dentaire aggrave les ulcères. Utilisez une brosse douce, pas une brosse inutilisée.
- Utiliser des bains de bouche alcoolisés : ils brûlent les muqueuses déjà fragiles.
- Attendre que la douleur soit insupportable pour agir : la prévention commence avant le traitement, pas après.
- Prendre des produits en vente libre sans consulter : certains contiennent de la benzocaïne, interdite chez les enfants et risquée pour les adultes sous chimiothérapie (risque de méthémoglobinémie, selon la FDA).
Le plus grand piège ? Croire que la chlorhexidine est la solution. Elle est partout. Mais elle ne protège pas vraiment. Vous pouvez dépenser des centaines d’euros en produits inefficaces… alors qu’un simple bain de bouche à base de benzydamine ou 30 minutes de glace vous sauvent des semaines de douleur.
Que faire si les ulcères sont déjà là ?
Si les plaies sont apparues, le but n’est plus de les prévenir, mais de les soulager et d’éviter l’infection.
- Utilisez Gelclair ou un gel à base d’acide hyaluronique pour couvrir les plaies et réduire la douleur.
- Si la douleur est intense, un bain de bouche à la déxaméthasone (0,5 mg/5 mL) 4 fois par jour peut réduire la douleur de 37 % selon les protocoles de Roswell Park.
- Prenez des analgésiques oraux comme le paracétamol. Évitez l’ibuprofène si vous avez des risques de saignement.
- Hydratez-vous bien. La bouche sèche aggrave tout.
- Si la plaie ne guérit pas en 2 semaines, ou si elle s’aggrave, consultez immédiatement un oncologue ou un dentiste spécialisé.
La plupart des ulcères guérissent naturellement une fois le traitement arrêté. Mais pendant ce temps, la qualité de vie est en jeu. Un bon soin peut vous permettre de continuer votre traitement sans interruption, ce qui augmente vos chances de guérison.
Les ulcères buccaux causés par les médicaments sont-ils dangereux ?
Oui, surtout s’ils deviennent sévères (grade 3 ou 4). Ils peuvent rendre impossible la prise de nourriture et de médicaments, augmenter le risque d’infections bactériennes ou fongiques, et forcer une interruption du traitement anticancéreux. Dans les cas les plus graves, ils peuvent même menacer la vie. C’est pourquoi la prévention est essentielle - et non la réaction.
Puis-je utiliser du dentifrice normal si j’ai des ulcères ?
Non. La plupart des dentifrices contiennent du sulfate de lauryl sodium (SLS), un détergent qui irrite les muqueuses et aggrave les plaies. Choisissez un dentifrice sans SLS, spécialement formulé pour les bouches sensibles. Des marques comme Sensodyne, Biotène ou Colgate Sensitive Pro-Relief en proposent.
La cryothérapie fonctionne-t-elle pour tous les traitements ?
Non. Elle est efficace uniquement pour certains médicaments administrés en infusion courte : le mélphalan et le 5-fluorouracile. Elle ne fonctionne pas pour les traitements en perfusion prolongée, ni pour la plupart des autres chimiothérapies. Votre oncologue doit vous dire si votre protocole est concerné.
Le glutamine est-il vraiment utile ?
Les résultats sont contradictoires. Une étude de 2017 a montré un bénéfice, mais des méta-analyses plus récentes n’en ont trouvé aucun pour la chimiothérapie seule. Il pourrait aider seulement les patients atteints d’un cancer de la tête et du cou sous radiothérapie. Si vous voulez essayer, discutez-en avec votre médecin - ne le prenez pas seul.
Combien de temps durent les ulcères buccaux ?
Sans prévention, ils apparaissent 5 à 10 jours après le début du traitement et peuvent durer 2 à 4 semaines après la fin. Avec une bonne prévention, leur durée peut être réduite de 30 à 50 %. Dans les cas graves, ils peuvent persister plus longtemps, surtout si une infection secondaire se développe.
Quand dois-je appeler mon médecin ?
Appelez immédiatement si : vous ne pouvez pas boire ou manger depuis plus de 24 heures ; vous avez de la fièvre ; vos plaies saignent ou dégagent une odeur fétide ; ou si elles s’étendent rapidement. Ces signes peuvent indiquer une infection ou une complication grave.